Imprimer

Durant l’été 1963, un ingénieur chimiste, Gilbert Bessonnat, découvrait fortuitement en étudiant les roches visibles à marée basse sur la plage du Veillon en Vendée, non loin des Sables d’Olonne, des petites traces qui l’intriguèrent. Ces traces imprimées dans une roche argilo-gréseuse furent présentées à l’abbé A.F. de Lapparent qui reconnut immédiatement des empreintes de reptiles.
Les conditions de gisement de ces empreintes affleuraient dans la zone de balancement des marées, sur l’estran, et n’étaient visibles qu’à marée basse et bien entendu pendant quelques heures seulement.
Profitant de la marée d’équinoxe du 19 mars 1965, l’abbé de Lapparent et ses collaborateurs de l’Institut catholique de Paris effectuèrent une première visite et une première étude du site. Ils découvrirent plus d’une centaine de traces de dinosaures situées dans deux niveaux du Jurassique inférieur. A la marée d’équinoxe suivante, une grande dalle de vingt mètres sur quinze livra des dizaines d’empreintes tridactyles de grands dinosaures; la totalité des dalles examinées sur plusieurs centaines de mètres carrés se monta à un millier d’empreintes appartenant à une dizaine de types au moins. Une grande de six mètres de long a été démontée puis reconstituée au musée des Sables d’Olonne. Les empreintes étudiées furent attribuées au genre Grallator, dont l’auteur était probablement un Théropode gracile, et au genre Eubrontes, qui devait être un Carnosaure, c’est-à-dire un dinosaure carnivore de grande taille.
Toutes les empreintes susceptibles d’être endommagées par l’action des vagues qui peu à peu érodent cette portion de la côte ont été prélevées et sont conservées depuis au musée des Sables d’Olonne, au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris et à l’Institut géologique de Lapparent de Cergy-Pontoise.
Les prélèvements n’ont pas été inutiles puisque l’annonce à la télévision de ces découvertes a attiré sur le site un grand nombre de curieux, mais aussi de fouilleurs inexpérimentés qui ont ajouté à l’érosion de la mer une érosion humaine plus rapide. Aujourd’hui, il n’y a plus grand chose à voir sur la plage du Veillon : la mer et les hommes ont effacé toute trace de ces empreintes.

Philippe Taquet

 

Coisia, Jura français

C’est en Avril 2004 que cette découverte paléontologique a été faite par hasard lors d’une cueillette aux morilles par Christian Gourrat, alors président de la Société des Naturalistes d’Oyonnax. Cet événement a suscité aussitôt l’intérêt de la presse, écrite, audio ou télévisée…

Cette découverte est située sur le territoire d’une petite commune du Jura du nom de Coisia. C’est donc en bordure d’une petite route desservant le village, que des cuvettes plus ou moins circulaires criblaient la paroi de la falaise. Elles avaient été mises à jour lors de travaux d’élargissement de la route il y a environ trois ans. Depuis personne, n’avait prêté attention à ces traces, ou imaginé que ces formes pouvaient avoir été laissées par des animaux…si ce n’est qu’un enfant de 10 ans, « mordu » de dinosaures, et que ses parents n’ont évidemment pas cru.

Pour Christian Gourrat, géologue amateur, cela ne faisait aucun doute, c’était bien des empreintes de pas de dinosaures, d’autant plus que le niveau géologique s’y prêtait bien. Après des vérifications et l’avis d’autres géologues de la Société des Naturalistes, il prend contact avec Jean Le Loeuff, conservateur du musée des dinosaures d’Espéraza (Aude) qui lui confirme ses premières observations. Devant l’importance de cette découverte, il a été créé un Comité Scientifique regroupant plusieurs chercheurs, de différentes disciplines des sciences de la terre, chargé de coordonner et de mener les travaux de recherche. Dans un même temps cette découverte a été prise en compte par le Conseil Général du Jura et les élus locaux pour promouvoir la mise en valeur et la protection du site.

 

Coisia, un site unique en France

Les sites à traces de pas de grands sauriens sont relativement fréquents dans les dépôts du Trias comme à Emosson dans le Valais suisse ou à la base du Jurassique inférieur comme dans Les Causses ou la plage du Veillon en Vendée, mais ce sont les ancêtres des dinosaures (Thécodontes) ou des dinosaures primitifs (Prosauropes). A Coisia on a affaire à des empreintes de pas de dinosaures vrais, et plus précisément de Sauropodes, quadrupèdes et herbivores, bien distincts des Théropodes qui sont bipèdes et carnivores. Ces sauropodes sont les plus grands animaux terrestres ayant jamais vécu sur notre planète, dont les plus connus sont notamment le Diplodocus, le Brontosaurus et Barosaurus. Ici nous avons affaire à des empreintes de Parabrontopodus qui sont fossilisées dans les couches du Tithonnien (141 Ma). Ainsi le site de Coisia est sans doute le seul de ce type de la période Jurassique connu en France.

En juillet 2004, grâce au financement du Conseil Général du Jura, il a été procédé au dérochement d’une partie de la falaise (150 m3) permettant de mettre à jour de nouvelles empreintes. Cela a permis d’avoir un ensemble de plus de 200 empreintes réparties sur une surface d’environ 200 m2. Une étude préliminaire, relevé des empreintes (taille, espacement, orienta-tion…), a permis d’identifier une dizaines de pistes appartenant à différents animaux de la même espèce. La taille des empreintes des pieds, (de formes ovales) sont comprises entre 40 et 70 cm, et la taille des empreintes des mains, (en forme de croissant) varie entre 25 et 50 cm. Les pistes présentent toutes des voies étroites. Ces éléments permettent en toute vraisemblance d’attribuer ces empreintes de pas à des Parabrontopodus.

Les premières prospections engagées sur le terrain laissent présager la présence d’empreintes sur plusieurs centaines de mètres…

Les travaux de recherche scientifique se sont développés sur 2005/2006 et la synthèse des données (paléogéographique, paléoécologique, stratigraphique, paléoichnologie…) a fourni des éléments essentiels pour permettre la valorisation du site, à la fois sur le plan scientifique, sur sa préservation et sa mise en valeur culturelle comme un témoignage d’un instant de la vie dans l’histoire du Jura il y a environ 140 millions d’années.

 

Coisia : de découvertes en découvertes

Beaucoup moins spectaculaire que les empreintes de dinosaures mais tout aussi important ce sont des fraguements d'os fossilisés qui ont été trouvés dans un autre niveau du tithonien. Ces os avaient été repérés et décrits, la première fois par M. Paul Bernier dans sa thèse(1984). Ces os sont actuellement étudiés par Haiyan Buffetaut. Il s'agit d'os de tortue marine de grande taille (Pleisiochelys)

Accès au site : La commune de Coisia (39240) se situe dans le sud du Jura (dans la petite montagne) en bordure Ouest de la rivière l'Ain à la hauteur du barrage de Coiselet. Une autoroute conduit depuis Bourg en Bresse ou Genève jusqu'à Oyonnax à une vingtaine de km de Coisia. L'accès peut se faire par la D936 de Dortan à Thoirette ou par la D109 d'Arinthod à Thoirette

Le site est situé sur la D 60E, le long de falaises de couleur ocre dans le 1/3 supérieur de cette route assez peu fréquentée en temps normal. Il est possible de stationner quelques voitures légèrement en amont du site sur la bordure nord de la route.

Les traces : Le site est constitué de deux ensembles de traces dans des calcaires subverticaux du Tithonien (ex Portlandien-Purbeckien : du Jurassique terminal :130Ma). Les deux ensembles sont séparés par une zone faillée et sont distants d'une trentaine de mètres. La partie Nord, la plus "basse" est la plus spectaculaire.

 

Pour en savoir plus :

http://artic.ac-besancon.fr/svt/fra_com/sit_nat/cacoisia

 

Empreintes de Loulle

Lons-le-Saunier (dépêche AFP du 24 novembre 2006 )

Des centaines d'empreintes de dinosaures découvertes dans le Jura

Un nouveau site paléontologique situé à Loulle, près de Champagnole (Jura), et qui abriterait plus de mille empreintes de dinosaures, devrait faire l’été prochain l’objet de vastes fouilles. Les scientifiques estiment à 1.500 le nombre d'empreintes de dinosaures présentes sur le site.

Ces animaux appartenaient à la famille des sauropodes, grands herbivores au long cou de 30 à 40 tonnes, qui ont vécu dans la région il y a 155 millions d’années. L’Est de la France était alors recouvert d’une mer chaude et peu profonde.

"Ce n’est pas unique mais c’est exceptionnel", explique Jean-Michel Mazin, directeur de recherches au CNRS, qui s’apprête à diriger les fouilles dans quelques mois si les fonds sont réunis. "Un tiers de la surface seulement est à découvert et on a déjà recensé quelque 500 empreintes. Les plus petites font 20 cm de diamètre, les plus grosses, 90 cm. On pense qu’il y en a entre 1.000 et 1.500 au total", précise M. Mazin.

Ces empreintes sont localisées dans une ancienne carrière calcaire située en retrait du village de Loulle (200 habitants). Certaines sont à l’air depuis une trentaine d’années.

La découverte a été faite en 2004 par Jean-François Richard. Ce géologue de formation a repéré les traces en faisant son jogging. "J'ai l’oeil un peu exercé", reconnaît-il. Conscient d’avoir fait une grosse découverte, il prend le temps de réfléchir. "J’avais peur que quelqu’un revendique la découverte", assure-t-il. Il attend donc le printemps. Premier contact infructueux. Un nouvel hiver passe et, cette fois, M. Richard est entendu: la conservation d'histoire naturelle du Jura demande une confirmation et l’obtient. "Avec Pierre Hantzpergue, professeur et directeur de l'UFR Sciences de la terre de Lyon 1, on travaille depuis presque un an sur ce site", souligne le chercheur.

En juin 2007, devrait débuter la première grande étape des travaux: la surface de 3.000 m2 de l’ancienne carrière calcaire sera alors nettoyée, puis photographiée, et enfin scannerisée afin d’établir un relevé précis de toutes les données techniques. L’étude des scientifiques va durer de un à trois ans.

Autre préoccupation: la protection du lieu. "Il s'agit d'un patrimoine rare et non renouvelable, nous avons interpellé les habitants et on est en pleine réflexion", relève le chercheur.

Enfin, ultime étape: la valorisation du site qui dépend des élus mais que les scientifiques sont prêts à accompagner.

En attendant, les équipes, qui craignent une arrivée massive de curieux à Loulle, où ils sont déjà nombreux depuis quelques semaines, rappellent que ce site est fragile et qu’il faut en prendre le plus grand soin.